On connaissait la chick lit', ou littérature "pour poulettes" et la bit lit', ou littérature "mordante", où abondent les vampires, voici donc notre rubrique Ados lit', ou sélection mensuelle des livres pour ados que nos bibliothécaires ont lus et aimés.
Des nouveautés, des titres en rapport avec l'actualité, des "classiques" qui méritent d'être dépoussiérés... Un peu de tout chaque mois!
En
attendant New-York, par Mitali Perkins, ed. Thierry
Magnier, 2010, 293p.
Nous sommes en Inde, dans les années
1970. La crise économique oblige le père
d’Asha, 16 ans, à partir chercher du travail à New-York. En attendant de le rejoindre, sa femme et ses
deux filles, Reet et Asha iront vivre à Calcutta, dans sa famille.
Très vite, Asha se sent enfermée dans
cette maison où l’on vit de manière très traditionnelle , elle a qui un père
aimant laissait presqu’autant de liberté qu’à un fils.
La famille ne peut continuer à nourrir
trois bouches supplémentaires. Il faut
donc marier Reet, la soeur aînée au plus vite.
Mais les prétendants sont tous inacceptables aux yeux d’Asha la rebelle,
qui a promis à son père de veiller sur sa soeur, et entend respecter cette
promesse, dût-elle faire le sacrifice de son propre bonheur…
Un roman passionnant et émouvant qui
décrit fort justement la condition de la femme en Inde, et l’affrontement entre
une tradition séculaire et oppressante, et une modernité qui cherche ses
marques. (à partir de 14 ans)
Sako, par Martine Pouchain, Oskar editeur, 2011, 119p.
Sako et sa maman ont débarqué dans des
conditions difficiles du Mali, et depuis leur arrivée en France, leur situation
reste très précaire. La petite fille
s’étonne : ici, il faut des papiers pour travailler, mais pour avoir des
papiers, il faut travailler. Alors,
comment ils font, les gens? Leur dernier
abri : une caravane sans chauffage dans un camping désaffecté.
De l’autre côté du grillage, il y a la
maison de la vieille Mado, dont la famille se préoccupe peu. Sa rencontre avec
Sako va changer sa vie, elle s’attache à cette petite fille, à sa maman, et
reconstruit ainsi la famille qu’elle a perdue.
Un roman facile à lire, mais plein de
choses intéressantes sur lesquelles s’interroger et débattre. Pas de grands discours, mais la volonté de l’auteur
de montrer que chacun peut oeuvrer à son niveau pour que change une situation
inhumaine. (à partir de 10-11 ans)
Après “la messagère de l’au-delà” et
“Waterloo Necropolis”, deux romans historiques captivants autant que bien
documentés, l’auteur entraîne cette fois les lecteurs à l’époque victorienne,
dans un Londres qui se passionne pour le spiritisme.
Velvet est orpheline et survit tant bien
que mal en travaillant comme une esclave dans une blanchisserie. Une chance incroyable la fait entrer au
service de Madame Savoya, l’une des médiums les plus en vogue de la ville.
D’abord subjuguée, elle découvre peu à peu les coulisses de ce qui pour
certains est communication avec les esprits et pour d’autres, moins crédules,
spectacle confinant à l’escroquerie. Faire parler les esprits peut en effet
s’avérer fort rentable!...
Une belle reconstitution historique pour
une aventure qui se lit avec beaucoup de plaisir! (à partir de 12-13 ans)
Double
jeu, par Jean-Philippe Blondel, ed. Actes Sud
junior, 2013, 135p.
“Changer. C’est ce qu’ils veulent
tous. Il faut que j’arrête de poser des
problèmes aux adultes. Que je cesse
d’être dans leur ligne de vision, de mire, de tir. Que je bouge de là. C’est ce que je voudrais, oui. A l’intérieur, je bous. J’aimerais être loin. Loin, genre à l’autre bout du monde. Me réinventer une existence avec un début
moins pourri.”…
Quentin a quitté son lycée de banlieue
où son comportement posait problème, pour un établissement plus huppé, une
décision censée lui permettre un nouveau départ.
Sauf que cette chance, l’adolescent
révolté n’a aucune envie de la saisir.
Jusqu’à sa rencontre avec le theatre, et
“la menagerie de verre” de Tennessee Williams dont le personage qu’on lui
propose de jouer semble porter les mêmes peurs, les mêmes envies, les mêmes
rebellions…
Comme le slam dans “Brise glace” ou la
musique dans “Re-play”, de precedents romans de Jean-Philippe Blondel, le
theatre est ici un vecteur de découverte de soi pour le héros, lui permettant
de se comprendre et de comprendre les autres.
On sent chez l’auteur, enseignant par
ailleurs, une grande tendresse pour son personnage, qu’il rend proche du
lecteur. Une belle rencontre! (à partir
de 14 ans)
Souvenirs
de ma nouvelle vie, par Marie Colot, ed. Alice
(Deuzio), 2013, 155p.
Depuis ce qu’elle appelle “le pire des
pires jours”, la vie de Charlie, 12 ans, est toute chiffonnée. Avec son père et
sa mère, elle a quitté une belle maison pour un appartement tout en grisaille au
rez-de-chaussée du plus grand immeuble de Bruxelles.
Alors, pour tromper l’ennui et la
tristesse (dont la cause sera dévoilée peu à peu), Charlie décide d’explorer
l’immeuble, de faire connaissance avec ses habitants, et de faire une photo de
la vue que l’on a de chaque logement. Les rencontres sont diverses et variées,
la plus extraordinaire étant celle de Madame Olga Slavinskaya, qui se prétend
descendante d’une princesse russe et écrit des romans à l’eau de rose…
Un roman émouvant et drôle à la fois,
qui sans pathos parle de choses graves et tristes.
“Et si, finalement, les pires malheurs
pouvaient rendre heureux?”
Marie Colot est belge, professeure de
français dans une Haute Ecole, et a déjà publié un autre roman , “En toutes
lettres” chez Alice editions.
Petit défi : grâce aux indices donnés
par l’auteure, pourrez-vous retrouver l’endroit précis de l’action de ce roman?
J (à partir de 11-12 ans)
Le
fil à recoudre les âmes, par J.J.Greif, Ecole des loisirs (medium), 231p.
1942, en Californie. Après l’attaque de Pearl Harbour, le
gouvernement et la population semblent pris d’hystérie à l’égard des
ressortissants japonais installés parfois depuis plusieurs générations, et dont
les enfants, comme Kenichiro, un des personnages principaux de cette histoire
sont d’ailleurs américains. Lui et bien
d’autres deviennent subitement des américains inférieurs, ces orientaux
sournois ne pouvant être que des espions à la solde de l’ennemi, vieillards et
bébés inclus.
Spoliées de leurs biens, ces familles
seront regroupées dans de véritables camps de concentration. Celui où atterrira Kenichiro et sa famille
sera situé en plein désert d’Arizona.
Climat, conditions sanitaires, désespoir… les morts seront nombreux dans
ces camps que l’Amérique mettra plus de 50 ans à reconnaître comme tels, en
acceptant de dédommager ces soi-disant espions dont le seul tort était d’avoir
les yeux bridés.
Kenichiro raconte son histoire à travers
ses lettres à Mrs Moore, son ancienne institutrice.
Plus tard, il sera avec sa famille
échangé par le gouvernement américain contre des soldats prisonniers des
Japonais. Au Japon, dans un pays qu’il
ne connaît pas, et dont il se sent tout à fait étranger, il fait la
connaissance de Yuriko, une adolescente sensible et poète. Ils sont à quelques kilomètres d’Hiroshima…
Un livre bouleversant et passionnant, un
récit historique solidement documenté, basé sur de nombreux témoignages
recueillis par l’auteur.
La première partie, racontée par
Kenichiro est éclairée par l’humour pince-sans-rire du narrateur.
La deuxième partie, vécue par Yuriko, la
tragédie d’Hiroshima décrite heure par heure, ses conséquences terribles pour
les survivants est particulièrement poignante. (à partir de 14 ans)
Isabelle P.