La bibliothèque sera fermée ce samedi 30 avril 2022.

lundi 22 août 2011

La panne


Voici un livre rencontré tout à fait par hasard, grâce à (ou plutôt à cause de, dira l'intéressé :-)) l'examen de passage d'un adolescent de ma connaissance.
Eh bien, je remercie le prof qui lui a imposé cette lecture et par ricochet me l'a fait découvrir!
Le roman n'est pas neuf, il date de 1958. L'auteur, Friedrich Dürrenmatt l'introduit ainsi : "nous ne vivons plus sous la crainte d'un Dieu, d'une justice immanente, d'un Fatum, non! Plus rien de tout cela ne nous menace. Notre monde n'est plus hanté que par des pannes. Pannes de voiture, par exemple, comme celle de la Studebaker d'Alfredo Traps, un soir, au pied d'un petit coteau..."
Forcé de passer la nuit dans le village, le commis voyageur trouve asile chez un vieil homme, ravi d'avoir de la visite. Maison bourgeoise, table plantureuse, vins fins... la soirée promet d'être agréable, en compagnie de l'hôte, juge à la retraite et de ses trois amis, octogénaires comme lui.
Sauf que dans une autre vie, l'un fut avocat, l'autre procureur, et le dernier bourreau, et que leur jeu favori est d'organiser un procès dont l'hôte de passage sera l'accusé! Mais lorsque l'on n'a rien à se reprocher, où est le danger?
L'écriture de Dürrenmatt est élégante et m'a évoqué celle de Stefan Zweig.
Au fil du récit, l'auteur crée la tension avec beaucoup de maestria!
Je ne sais si l'ado concerné appréciera sa lecture, mais moi en tout cas, j'ai beaucoup aimé!
A noter que ce roman a été porté à l'écran en 1972 par Ettore Scola sous le titre "la plus belle soirée de ma vie".

La panne, par Friedrich Dürrenmatt, ed. Livre de Poche (Biblio romans), 2011, 124p.

Isabelle P.

mercredi 17 août 2011

Lire dans les parcs 2011







On vous l'annonçait dans notre agenda, on croisait les doigts pour qu'il cesse de pleuvoir...et le soleil a bien voulu nous faire le plaisir de briller hier après-midi pour la première séance de "Lire dans les parcs" de ce mois d'août.
Quelques photos pour vous donner envie d'être des nôtres mardi prochain, le 23 août, entre 15 et 17 heures, sous le grand hêtre rouge, près de l'entrée Klipveld.
Et le mercredi après-midi, jusqu'à la fin du mois, c'est dans le jardin de la bibliothèque, entre 15 et 16 heures que les amateurs d'histoires ont rendez-vous.
Belle fin d'été à toutes et à tous!

jeudi 4 août 2011

Pourquoi mon père porte de grandes chaussures...


Semla a 12 ans, est suédoise, et porte un prénom de gâteau de Mardi-Gras.
Elle pense être une enfant de divorcés heureuse, entre Papa et Maman qui habitent dans la même rue, une maison semblable mais inversée. Pas étonnant dès lors que Bento, le petit frère somnambule, fasse pipi dans l'armoire à vêtements chez Papa : chez Maman, c'est la place des toilettes! :-)
Semla a un meilleur ami, Gordon, qui traque les mondes parallèles et se moque totalement de ce que les autres pensent de lui. Ensemble, ils jouent au jeu de l'amour et s'entraînent pour le plus long baiser du monde (leur record : 7 minutes et 34 secondes). Pourtant, c'est en regardant Lori que le coeur de Semla pétille et que ses mains deviennent moites, signes qui ne trompent pas...
Une vie bien remplie, donc, et qui fait dire à l'adolescente : "je ne comprends pas comment les autres ont le temps de tout faire. Je suis suffisamment occupée à être moi-même, et c'est à peine si j'ai le temps de faire mes devoirs!"

Décidément, il y a dans la littérature scandinave pour la jeunesse un ton particulier, un peu décalé, pour mettre en scène, sans tabou mais avec beaucoup de justesse, tout ce qui fait la richesse de la vie.
C'est drôle, touchant, cela fait mouche, et il se dégage de l'ensemble un irrésistible optimisme!
Et si vous voulez savoir ce que les chaussures de Papa viennent faire dans l'histoire... bonne lecture! :-)

Pourquoi mon père porte de grandes chaussures (et autres grands mystères de ma vie), par Moni Nilsson, ed. Bayard jeunesse (Millézime), 2011, 126p.

Isabelle P.

jeudi 30 juin 2011

L'homme qui haïssait les femmes


6 décembre 1989, à Montréal. Un jeune homme armé d'un fusil pénètre dans la faculté Polytechnique. Dans un amphithéâtre, il "trie" les étudiants selon leur sexe, fait sortir les hommes et abat toutes les filles de la classe. 14 victimes au total, toutes des femmes. Le motif du tueur? les "féministes" qui veulent devenir ingénieures prennent la place des hommes...
Ce drame a causé au Québec un traumatisme profond et durable, alors qu'en Europe, tout occupée à ce moment-là à vivre la chute du mur de Berlin, l'événement semble avoir moins marqué les esprits.
Elise Fontenaille se penche aujourd'hui sur cet épouvantable fait-divers, et en livre le récit romancé, mettant son écriture successivement au service du point de vue du tueur, de sa famille, des proches des victimes, de professionnels qui cherchent à comprendre.
Cela donne un récit choral particulièrement poignant, où abondent comme toujours en pareil cas les "et si on avait su...", "et si on avait pu..."
L'auteure dresse aussi le portrait d'une société qu'on connaît finalement fort peu, où le combat des femmes pour leurs droits semble avoir été très difficile. Jusqu'en 1959 en effet, le Quebec a été gouverné par ce que certains appellent aujourd'hui une dictature religieuse. Prêtres et religieuses y étaient les garants d'une morale stricte faisant la part belle à la soumission des femmes.
A partir des années 60 les mentalités ont peu à peu évolué, et les mouvements féministes ont oeuvré très efficacement pour l'égalité hommes-femmes. Retour de bâton : aujourd'hui, les mouvements "masculinistes" rassemblent des hommes qui se disent brimés par les femmes, et certains ont même haut et fort leur approbation pour les actes du tueur! Il faut lire et écouter certains témoignages sur Internet, c'est édifiant...
Utopique, le respect de chacun(e)? Il y a encore du chemin à faire, en tout cas!

L'homme qui haïssait les femmes, par Elise Fontenaille, ed. Grasset, 2011, 175p.

Isabelle P.

mardi 28 juin 2011

Des livres pour l'été dans les écoles et les plaines de jeux


La bibliothèque propose pendant tout l'été aux collectivités (accueil en milieu scolaire, ateliers divers et variés) l'emprunt gratuit (pour une durée de 6 semaines) de coffres de livres, à choisir par les animateurs dans nos collections d'albums, bandes dessinées ou documentaires.
Pour créer un atelier contes, une petite bibliothèque, rassembler de la documentation autour d'un thème... bienvenue à la bibliothèque aux heures d'ouverture normales, ou sur rendez-vous au 02/348.65.29 entre 9 et 18 heures.
Et n'oubliez pas de consulter notre agenda pour tous les détails sur nos animations, au parc de Wolvendael, et dans notre jardin!
Bel été à tous et à toutes!

jeudi 9 juin 2011

Magnus Million et le dortoir des cauchemars


Dire que depuis Harry Potter, la littérature jeunesse nous a offert un grand nombre de jeunes héros aux prises avec les forces maléfiques de tout poil n'est certainement pas un scoop! Les séries se succèdent, et leurs auteurs tentent, avec plus ou moins de réussite, de créer des univers crédibles et de renouveler la thématique de base, à savoir la lutte du bien contre les forces du mal.
En tant que bibliothécaires jeunesse, mes collègues et moi essayons de lire (parfois en diagonale, avouons-le :-)) un maximum des livres que nous possédons, afin de conseiller au mieux nos jeunes lecteurs. Mais parfois, entre vampires et prédestinées à empêcher l'apocalypse annoncée, l'overdose nous guette! :-)
Tout cela pour dire que dans le genre, il y a parfois aussi, et heureusement, de très chouettes surprises.
J'avais en son temps beaucoup aimé "Une famille aux petits oignons" de Jean-Philippe Arrou-Vignod, l'histoire pleine d'humour de la fratrie "Jean-quelque-chose" (Jean-A., Jean-B., etc... jusqu'à F. :-)), et les tribulations de Magnus Million, du même auteur, ne m'ont pas déçue, au contraire!
Une contrée imaginaire, la Sillyrie : Magnus y est le fils unique de l'homme d'affaires le plus riche et le plus radin du pays.
Dans la capitale, Friecke, il y a une ville haute, où habitent devinez qui, et une ville basse, où survivent vaille que vaille les masses laborieuses.
Dans l'étrange pensionnat qu'il fréquente, Magnus écope pour de multiples bêtises de 1341 heures de colle, qu'il est "invité" à effectuer dans le dortoir des punitions, avec les Ultras, une bande de jeunes durs à cuire qui lui en font voir de toutes les couleurs.
Pendant ce temps, un étrange gaz vert envahit la ville la nuit, libérant d'étranges et fort dangereuses créatures...
Entre fantastique et atmosphère à la Dickens, l'auteur nous offre un récit plein de rebondissements, qui commence dans une vertigineuse attraction de foire et s'achève sur.... à vous de le découvrir! :-)
Et pour les parents et les enseignants qui déplorent que la littérature fantastique soit souvent traduite de l'anglo-saxon, j'ajouterai que Philippe Arrou-Vignod est bien français!


Magnus Million, par Jean-Philippe Arrou-Vignod, ed. Gallimard jeunesse, 2011, 357p.

Isabelle P.

vendredi 27 mai 2011

Jenna Fox, pour toujours


Attirée par la couverture de ce roman (le cours du récit montrera que le choix du papillon n'est pas uniquement esthétique), j'ai plongé dans un roman d'anticipation particulièrement passionnant!
L'héroïne, Jenna Fox, se réveille de plus d'un an de coma, après un terrible accident.
Totalement amnésique, elle essaie de reconstituer son passé, entourée de ses deux parents et de sa grand-mère. A longueur de journées, elle visionne des vidéos tournées par ses parents depuis sa naissance.
Visiblement idolâtrée par sa famille, Jenna y apparaît comme le centre du monde, "accablée d'espérances", comme elle l'analyse avec le recul.
Il faut dire que Jenna est l'enfant du miracle, venue au monde après trois bébés morts-nés.
Alors, tous ces interdits, ces barrières que l'on élève autour d'elle le sont sans doute pour sa sécurité. Quoique...Pourquoi Jenna, apparemment guérie, ne peut-elle rien avaler d'autre que ces drôles de pilules? Pourquoi sa grand-mère qui l'adorait lui témoigne-t-elle aujourd'hui tant de froideur? Et pourquoi ses parents, neurochirurgiens brillants impliqués dans la recherche médicale de haut niveau ont-ils déménagé avec elle à l'autre bout du pays?
Petit à petit, la mémoire de Jenna lui revient, petit à petit, elle trouve, et le lecteur avec elle, des réponses à ses questions...
Alors se posent d'autres questions, cruciales et universelles : qu'est-ce qui fait l'être humain? la chair? la pensée? La science et ses progrès rendent-ils tout acceptable?
L'auteur ne donne pas de réponse tranchée, à chacun de poursuivre sa propre réflexion, comme Jenna devra le faire.
Un très beau roman à découvrir, paru dans une nouvelle maison d'édition mise sur pied en 2009, dont il faut saluer les choix éditoriaux. Longue vie aux éditions "Les Grandes Personnes"!

Jenna Fox, pour toujours, par Mary E.Pearson, ed. Les grandes Personnes, 2010, 281p.

Isabelle P.

jeudi 19 mai 2011

Ouf, il faisait beau...



... ce dimanche 1er mai pour nos animations "Je lis dans ma commune"!
La promenade contée au parc de Wolvendael aurait eu moins de charme sous les parapluies... encore que la magie de la parole conteuse aurait peut-être suffi à arrêter les gouttes! :-)
Et donc, sous le grand hêtre rouge, puis de pelouse en vallon, Monique Michel a promené son public à la rencontre de personnages hauts en couleurs, dont une Dame Misère qui un jour piégea la mort dans son poirier!
L'après-midi, "le règne du dragon", raconté et mis en scène par Olivier Jost a eu lui aussi beaucoup de succès auprès des petits et des grands!
Vous n'avez pu être des nôtres? Ce n'est que partie remise, consultez régulièrement notre agenda, nous avons quelques idées pour les mois à venir!
Vous êtes conteur-conteuse? Vous présentez des spectacles pour enfants? N'hésitez pas à nous envoyer vos infos, nous en ferons bon usage!

Isabelle P.

samedi 23 avril 2011

Les sorcières de Skelleftenstad


"Notre père, Nils Swedenborg, est si gentil. Toujours prêt à rendre service, attentionné presqu'à l'excès, d'une inébranlable tendresse. Il est aussi travailleur, et fort doué de ses mains. Sa fidélité est celle d'un chien de berger. Il n'a qu'une parole. Je ne l'ai jamais entendu mentir. Il est bel homme, autant qu'une fille puisse juger l'apparence de son père... Oui, vraiment, que des qualités.
Si seulement il n'avait pas été aussi bête. Cela lui aurait évité d'épouser une sorcière."
Ces premières lignes donnent le ton du récit! L'aînée de la famille y raconte avec une ironie malicieuse mâtinée de tendresse vaguement apitoyée (l'ado commentant les faits et gestes de ses parents, quoi! :-)) la rencontre de son père, charpentier, et de sa mère, sorcière, et la venue au monde de leurs trois filles.
Rien de crochu ni de ricanant chez Ingrid la sorcière! Lorsqu'elle débarque à Skelleftestad avec sa beauté ravageuse moulée dans une robe de velours rouge, tous les hommes la regardent avec un air béat. Les femmes en revanche... Mais pourquoi donc la belle Ingrid jette-t-elle son dévolu sur l'homme le plus stupide du village?
La réponse dans ce livre diaboliquement drôle!
Et, bonne nouvelle, le deuxième tome est déjà paru! Jean-François Chabas y réserve à ses héroïnes un sort "pas piqué des hannetons", qui appelle une suite que l'on attend avec impatience, un moment de lecture vraiment drôle, cela ne se refuse pas!

Isabelle P.

Les sorcières de Skelleftestad, par Jean-François Chabas, ed. Ecole des Loisirs (Medium), 2010.

jeudi 17 mars 2011

Le mariage de Dominique Hardenne


Rescapé d'une guerre dont on ne sait trop où et quand elle a lieu, Dominique Hardenne, troufion cuisinier, a perdu ses illusions, son régiment, son uniforme et ses amis. Alors ce paysan reprend le chemin de son village, pour essayer d'y renouer les fils de sa vie interrompue.
Mais au village comme ailleurs, La bombe a soufflé, transformant les habitants en momies pétrifiées dans leur dernier geste...
Un roman singulier dans lequel on entre au rythme des pas d'un personnage qui quitte un enfer pour en trouver un autre et s'efforce, avec ses pauvres moyens, de "redonner à la terre le goût de la vie, et à la vie le goût de la terre".
Et l'on s'émerveille avec lui de la vision d'un crocus, ou de l'odeur d'un pain qui cuit...
Pour ceux qui connaissent l'auteur par "Retour à Montechiarro" par exemple, "le mariage de Dominique Hardenne" sera sans doute une surprise. Ici, pas de foisonnement de personnages, pas de fresque historiques, rien que la solitude absolue d'un homme qui n'a que son imagination pour ne pas succomber à la folie.
Et le lecteur de se poser la question : comment aurais-je vécu cela?

Le mariage de Dominique Hardenne, ed. J.C.Lattès, 2010, 250p.

Isabelle P.

mardi 9 novembre 2010

Le Goncourt de circonstance(s)


Jed Martin est un peintre contemporain passionné par les cartes Michelin ; tellement passionné qu’il en fait des œuvres d’art par photo-montages. Mais c’est plutôt ses portraits de la vie quotidienne des « petits artisans » qui vont le rendre célèbre. Un peu trop célèbre peut-être, ses toiles vont se vendre à des prix exorbitants et Jed s’en trouvera, certes très riche, mais également dépourvu dans ce monde de l’art qu’il n’aime pas trop et qu’il ne comprend pas.

C’est lors de la préparation d’une prochaine exposition qui lui sera consacrée qu’il rencontre l’auteur célèbre qu’est Michel Houellebecq. Les organisateurs ont en effet besoin d’un écrivain célèbre pour écrire une introduction au catalogue de l’exposition. Ca ne l’enchante guère, mais il se décide tout de même à prendre l’avion pour l’Irlande, pays que l’écrivain a choisi depuis bon nombre d’années pour y retrouver un calme qu’il n’avait plus en France.

Ce roman est une histoire d’amitié impossible entre deux hommes qui vivent dans leur monde respectif. C’est également un livre sur la relation entre le père et le fils, entre Jed et son père mourant. Ces pages écrites avec beaucoup de tendresse sont certainement les plus beaux chapitres qu’Houellebecq nous offre ici.
Mais il y a également un côté polar dans ce livre, il y a effectivement une mort étrange et horrible qui sera suivie par une enquête policière quelque peu chaotique, mais c’est du Houellebecq tout de même, alors la trame de l’histoire ne peut pas vraiment rentrer dans les habitudes du genre.

Michel Houellebecq est connu pour ses romans géniaux et toujours maltraités par la presse. A chaque fois, c’est le scandale assuré. Ses romans sont adulés par certains et détestés par d’autres, ce qui est déjà une excellente raison pour les publier. Mais Houellebecq, qu’il le veuille ou non, est devenu au cours des années le chef de file d’un nouveau mouvement littéraire que l’on pourrait qualifier de néo-réaliste désenchanté. On citera entre autres Virginie Despentes ou encore le très médiatique Frédéric Beigbeder. On a trop souvent critiqué ces auteurs pour être des rebelles trash et névrosés sans aucune valeur littéraire, mais il ne faut pas oublier que toute société a l’art qu’elle mérite. Et si ces écrivains sont aussi pessimistes et durs envers l’être humain et la société contemporaine, c’est qu’ils représentent d’une façon hyper-réaliste ce qu’est devenu la société occidentale à la fin du 20e et au début du 21e siècle.

En ce qui concerne le style littéraire de ces auteurs, ce qui devrait être l’unique facteur à être pris en compte, il y a de grandes différences entre ces trois écrivains. Despentes et Beigbeder se bonifient avec le temps, tandis qu’Houellebecq, outre le fait d’avoir lancé ce mouvement littéraire, dès le début nous a présenté des textes extrêmement bien écrits et travaillés. Il ne faut pas oublier qu’il est également poète, et ça se perçoit dans la maîtrise qu’il possède de la langue française, que ce soit dans ses romans ou dans tout autres écrits.

« La carte et le territoire » est un roman moins « trash » que ses précédents, et peut-être également moins pessimiste. On a l’impression que les pontes du « Prix Goncourt » attendaient cela depuis longtemps et qu’ils ont sauté sur l’occasion. En effet, comment donner le prix Goncourt à un écrivain si dérangeant, à un auteur que l’on dit neurasthénique et misanthrope, à un écrivain qui incarne à lui seul toute la déchéance d’un Occident malade et en perte de valeurs fondamentales. Le jury semble satisfait de lui, mais c’est bien avant qu’ils auraient du lui donner ce prix, ils ont juste manqué de courage.

Michel Houellebecq est depuis une vingtaine d’années le plus grand écrivain français. Et rappelons-nous la question posée à André Gide : « Pour vous, qui est le plus grand écrivain français du 19e siècle ? », et la réponse de Gide : « Victor Hugo, malheureusement ». Transposons cela en 2010, où l’on pourrait entendre Frédéric Beigbeder interviewer Houellebecq en lui posant la même question pour le 21e siècle ; « Pour vous, qui est le plus grand écrivain français du 21e siècle ? », on entendrait à coup sûr comme réponse laconique : « Michel Houellebecq, malheureusement ».

Disons que ce prix nous a permis d’entendre Michel Houellebecq déclarer à une chaîne télévisée française qu’il était « heureux » de recevoir ce prix. Oui, Michel Houellebecq est « heureux » et c’est tant mieux pour lui, n’en déplaise aux journalistes qui le voient comme un alcoolique constamment au bord du suicide. Il est apparu très ému celui que l’on dit être l’ermite de la littérature française et l’être le plus dépourvu de sentiments.

Et comme à chaque sortie d’un de ses livres, certains vont adorer, d’autres détester.


La carte et le territoire, par Michel Houellebecq, Flammarion, 2010, 428 p.


Pierre C.

mercredi 8 septembre 2010

La nébuleuse al-Qaida romancée


Jean-Christophe Rufin nous emmène dans son dernier roman « Katiba » dans un voyage chaotique entre Paris, le Sahara et les Etats-Unis. Un attentat en France semble prévu pour bientôt et une agence de détectives privés se met sur l’affaire afin de redorer son blason. La personne à surveiller d’urgence est la jeune Jasmine, une fonctionnaire du Quai d’Orsay apparemment sans histoire. Ses voyages entre l’Afrique de l’Ouest et Paris semblent suspects à ces détectives sur le retour qui paraissent légèrement dépassés par les nouvelles technologies chères à ces terroristes d’un nouveau genre. Le tout est de savoir si attentat il y a, seront-ils capables de le déjouer ?

Rufin connaît très bien les ficelles du roman, un peu trop même. Et c’est cette facilité qui dérange quelque peu dans « Katiba ». Pour rendre la fin du livre palpitante, l’auteur découpe simplement ses derniers chapitres pour donner une impression d’urgence. Comme beaucoup de romans actuels, on ne peut s’empêcher de penser que l’auteur a une petite idée lucrative derrière la tête, à savoir de voir son œuvre adaptée au cinéma, ce qui, on le voit chaque semaine, peut rapporter gros.

Heureusement que Rufin a du talent, à défaut d’avoir du génie, et ce dernier roman se lit facilement, on y voit bien ce que l’on appelle la nébuleuse al-Qaida, un réseau tellement étendu et disparate, qu’il est difficile, voire impossible de s’y retrouver, même pour les terroristes.

Katiba, par Jean-Christophe Rufin, Flammarion, 2010, 391 p.

Pierre C.

mercredi 1 septembre 2010

Même les princesses...


... doivent aller à l'école! Voilà qui consolera peut-être ceux et celles qui éprouvent quelque contrariété à retrouver les bancs de l'école! :-)
Susie Morgenstern, avec le peps qu'on lui connaît, raconte aux lecteurs débutants la très chouette histoire d'Alyestère, fille du roi Gaspard CXIV, monarque en faillite comme bien d'autres.
Le château ancestral a été vendu, et la royale famille s'est installée dans un HLM. Pas question pour autant, décrète le roi Gaspard, de se mêler au peuple!
Il faudra à la petite fille beaucoup de ténacité pour amener son père à l'inscrire à l'école. Mais la couronne et la robe à traîne sont-elles vraiment la tenue idéale au cours de gym? :-)
Bonne rentrée à tous et à toutes!

Même les princesses doivent aller à l'école, par Susie Morgenstern, ed. Ecole des Loisirs (Mouche), 56p.

Isabelle P.

lundi 30 août 2010

Quelle est la différence entre un poltron et l'écorce du bouleau?


Il n'y en a aucune, tous les deux font le tour du bois sans jamais y entrer!
Cette devinette et bien d'autres choses, Ludmilla, Pénélope et Sanouk le découvrent dans un livre que leur a prêté leur professeur de littérature.
Les trois adolescentes sont pensionnaires dans un internat russe près de Novgorod, dirigé par Olga Petrovna, une sorte de dragon en jupons.
Par la voix de Sergueï, l'auteur du livre, les trois filles aprennent l'existence en Sibérie du Nord-Ouest des Nènètses, un peuple nomade éleveur de rennes qui se déplace au rythme des besoins de ses troupeaux. A l'époque soviétique, ce peuple, comme toutes les minorités a fait l'objet d'une tentative d'assimilation forcée à la culture russe, et aujourd'hui ils sont victimes de la richesse de leur sous-sol.
Les compagnies de gaz et de pétrole les chassent de leurs territoires, tuant leurs troupeaux au besoin, et s'emparent des terres, les déclarant inhabitées. Mais, comme le leur dit le professeur de géographie, "il faut bien choisir entre les petits peuples et la croissance économique moderne", n'est-ce pas?
Les trois filles s'indignent et enquêtent, d'autant plus acharnées que la directrice leur met des bâtons dans les roues. Leur quête les mènera bien plus loin qu'elles ne l'avaient imaginé...
On pardonnera à ce roman quelques coincidences un peu trop "coincidentes" pour retenir plutôt l'intérêt du récit qui confronte deux visions du monde antinomiques : le profit optimal, credo d'une certaine vision économique actuelle, et le respect des minorités et de leur mode de vie traditionnel, en accord avec les cycles de la nature.

Petite feuille nènètse, par Anne Bouin, ed. Ecole des Loisirs (Medium), 2010, 225p.

Isabelle P.