vendredi 5 mars 2010
La garde à vue de Beigbeder
Après avoir été arrêté pour usage de stupéfiant sur le capot d’une voiture en pleine rue parisienne et après son placement en garde à vue dans une cellule froide et inhumaine, Frédéric Beigbeder se remémore sa jeunesse qu’il croyait à tout jamais perdue au fin fond de sa mémoire passablement entamée.
Donc, pour ne pas perdre son temps et surtout pour échapper à sa détention nauséeuse, il décide de récupérer quelques souvenirs d’enfance, tâche qui lui semble pourtant totalement insurmontable. Et quelle n’est pas sa surprise de se rendre compte que, tel un fil arraché d’un pull, tous ses souvenirs se mettent à s’effilocher sans qu’on ne puisse plus les arrêter. Son père démissionnaire, sa mère romantique et passionnée, son grand frère (le Beigbeder qui réussit) qu’il admire toujours autant et ses grands parents aristocrates qui connurent la déchéance économique et sociale. Toute la famille y passe, les voisins, les voisines aussi bien-sûr, ainsi que cette brève histoire du 20ème siècle qu’il nous décrit avec ses yeux d’enfants. Ses yeux d’enfants qui lui font penser qu’en somme, il n’a jamais vraiment grandi.
« Un roman français » n’est donc pas vraiment un roman, il se situe plutôt du côté des autobiographies, mais n’est-ce pas le cas de tous les livres de Beigbeder qui, sans aucun doute, est l’écrivain français actuel le plus narcissique ? Narcissique certes, mais écrivain tout de même. Ceux qui n’aiment pas Beigbeder ne l’aimeront pas plus avec ce livre et ne l’aimeront certainement jamais. Pour les autres, « Un roman français » est la confirmation que l’auteur ne cesse d’évoluer. Certes, il s’encombre toujours de ses sempiternelles allusions à Oscar Wilde et autres artistes maudits, et son penchant exagéré pour la déchéance humaine est toujours aussi présent. Mais son écriture va vers quelque chose de plus intime et universel, ce qui peut nous faire espérer que, probablement un jour, il sera reconnu pour sa prose et non plus uniquement pour ses poses et frasques médiatiques.
Un roman français, par Frédéric Beigbeder, ed. Grasset, 2009, 281 p.
Pierre C.
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